Enseignants, comment gérer l’éco-anxiété de vos élèves ?
“Maîtresse, est-ce que la France va finir sous l’eau ?” En tant qu'enseignant et enseignante, nous sommes souvent confrontés à des questions déconcertantes de nos élèves, notamment celles qui reflètent leurs inquiétudes sur l’avenir de notre planète. La montée en puissance des titres alarmants sur le changement climatique dans les médias n'a fait qu'accentuer ce phénomène, laissant les jeunes de plus en plus sujets à une forme d’éco-anxiété.
Face à ces sentiments de peur, de désarroi ou de colère, travailler sur le changement climatique, et en particulier sur les émotions qu’il génère, peut s’avérer une bonne idée. L’équipe de l’OCE vous propose des pistes d'action et de réflexion pour aborder avec vos élèves la question des émotions liées aux changements climatiques, de manière constructive et bienveillante.
Comprendre l’éco-anxiété
Non répertoriée comme maladie psychologique, l’éco-anxiété est, selon certains médecins ou psychologues, une réaction naturelle - et saine - des personnes conscientes des changements climatiques en cours et à venir.
Elle engendre des émotions fortes et négatives comme la peur, la tristesse, la colère, le désespoir, et peut être vécue comme un facteur de stress psychologique incessant. L’éco-anxiété, dans son acceptation d’angoisse, peut affecter la concentration ou provoquer des troubles du sommeil. En 2021, 10 000 jeunes de 16 à 25 ans du monde entier ont été interrogés par des chercheurs sur leur ressenti vis-à-vis du changement climatique. En ce qui concerne la France, plus d’un jeune sur deux se disait « très » ou « extrêmement inquiet » du changement climatique. Ces chiffres alarmants soulignent l'importance d'aborder cette problématique de manière approfondie et sensible avec ses élèves.
Stratégies d'adaptation : l'apport de la recherche
Une recherche menée par Maria Ojala a identifié trois stratégies d'adaptation chez les jeunes :
- Mettre à distance le problème (minimisation du phénomène, voire déni)
- Se tourner vers l’action, en contribuant à un projet d’adaptation, à une modification du mode de vie et à l'augmentation d'engagements et de comportements pro-environnementaux.
- Modifier le sens, en se réappropriant positivement le futur en le reliant à des pensées positives et pleines d’espoir, et en portant une confiance importante dans des figures expertes comme des scientifiques ou des enseignants.
Il est crucial de considérer ces différentes stratégies pour guider vos élèves dans leur compréhension et leur réponse aux défis climatiques. Comment y parvenir ?
Comment transformer l'anxiété en action ?
- Ne pas occulter le sujet du changement climatique : En abordant ouvertement et honnêtement cette thématique en classe, vous permettez à vos élèves de comprendre pleinement les enjeux et les conséquences de ce phénomène. En les confrontant à la réalité, vous les préparez à prendre des mesures significatives.
- Être au clair avec ses propres émotions. Il est bénéfique dans un premier temps de vous-même vous demander comment vous vous sentez vis-à-vis du climat et de trouver des ancrages pour dépasser votre propre éco-anxiété, via votre mission d’enseignement par exemple.
- Écouter et prendre en compte le ressenti de vos élèves. Le sujet du climat touche intimement vos élèves à plus ou moins grande échelle. Il est important de passer du temps à accueillir la parole des jeunes sur le sujet, afin de dégager leur ressenti sur le sujet (qui n’est pas forcément identique à celui d’un adulte) et ne pas présupposer de leur anxiété.
- Mettre en action et réinventer le futur : En encourageant vos élèves à s'engager dans des actions concrètes et innovantes, vous les aidez à transformer leur anxiété en élan positif. Les impliquer dans des projets qui visent à construire un avenir durable les rend plus confiants et plus optimistes quant à leur capacité à effectuer un réel changement.
- Impulser une action collective : En invitant vos élèves à participer à des actions collectives, vous favorisez un sentiment d'appartenance et de responsabilité partagée. Travailler ensemble vers un objectif commun renforce leur confiance en leur capacité à avoir un impact positif sur le monde qui les entoure.
- Passer du temps au contact de la nature : Il y a de fort bénéfices sur le bien être des individus à passer du temps à l’extérieur, à être entouré du Vivant.
Nos propositions
Malgré le phénomène d’éco-anxiété, il reste donc important que les enseignants travaillent sur le changement climatique. En faisant comprendre à leurs élèves les mécanismes, les enseignants s’avèrent bien placés pour les aider à y faire face. La prise en compte des émotions implique cependant de travailler sur le temps long, avec idéalement quatre types d’activités distinctes, dont une dédiée aux émotions.
1. Première séance sur le changement climatique
Avant de faire une activité sur les émotions du changement climatique, nous vous conseillons de mettre en place une séance sur la réalité du changement climatique ou bien sur le lien entre ce dernier et l’activité humaine.
3 exemples de première séance
- Séance A1 - La réalité du changement climatique- Âge : 9-15 ans - Durée : 1h30
- Séance A3 - Effet de serre et activités humaine - Âge : 9-15 ans - Durée : 1h
- Séance D1 - Calculer son empreinte carbone - Âge : 9-15 ans - Durée : 1h

2. Séance sur les émotions
Il est important qu'en tant qu'adulte et enseignant, vous puissiez prendre le temps de reconnaître tous les types de ressentis de vos élèves et de leur rappeler que toutes ces émotions sont légitimes. Il vous est aussi possible de partager avec vos élèves vos propres émotions et vos propres craintes. Ecouter les élèves peut par ailleurs être une opportunité de les aider à nuancer les risques liés au changement climatique : non, la montée des eaux ne fera pas disparaître la France sous l'eau dans 5 ans ! Ensuite, dites-leur qu'il est important de réfléchir à des solutions pour aider à s'adapter ou à contrer le changement climatique. En fonction de votre temps, vous pouvez alors enchaîner sur la séance suivante ou seulement annoncer sa mise en place un autre jour, mais il est très important d'associer explicitement ces deux séances.
- Séance D2 - Que ressentez-vous face au changement climatique ? Travailler sur les émotions - Âge : 9-15 ans- Durée : de 55min à 1h50

3. Séance de brainstorming sur les solutions
Après avoir rappelé aux élèves les différents effets du changement climatique sur l’écosystème et les sociétés humaines, vous demandez aux élèves de réfléchir à des actions qui peuvent être mises en œuvre par eux-mêmes à leur échelle, à celle de leur famille ou d’une population (école, village, etc.). Les différentes actions seront débattues entre les élèves et classées selon différents critères (atténuation/adaptation, collectif/individuel …). Ils doivent alors choisir une ou plusieurs actions qu’ils vont mettre en œuvre.
- Séance D4 - Mesures d'adaptation et d'atténuation - Âge : 9-12 ans - Durée : 1h
4. Réalisation du projet
A partir du brainstorming que vous aurez organisé, et en fonction du contexte local, des contraintes de temps et de ressources, différents types de projets peuvent être envisagés. Ils permettent de mettre les élèves en action, un aspect important, comme on l’a vu. Projets d’adaptation, d’atténuation, de sensibilisation … ou de recherche, ces projets peuvent être de tout ordre et les activités proposées dans l’encadré ci-contre ne sont que des exemples. D’autres seront peut-être plus adaptées à votre contexte.
Quelques exemples
- Climathon
- Cours Oasis
- Aquaponie
- Biodigesteurs
- Potagers
- Qui protège les chênes ?
- Orbis
- Rendre les plages plus résilientes au changement climatique
- Mettre en place un pédibus
- Science en scène

Même si l'éducation au changement climatique n'est pas neutre en termes d’inconfort, on peut noter que c'est le cas pour d'autres apprentissages en classe comme l'étude des guerres mondiales, des génocides ou du colonialisme …Pour autant, ces sujet sont importants, et on ne peut se passer de les étudier. Il en va de même de l'étude du changement climatique. Nous espérons vous avoir démontré que l’éco-anxiété ne devait pas être un frein, mais au contraire un levier et que vous, enseignants et enseignantes, avez un rôle clé à jouer.
A consulter également
- Billes de sciences #58 : Simon Klein - Les émotions du changement climatique
- Education au changement climatique : comment aborder l'éco-anxiété avec les élèves