Pourquoi et comment travailler sur l’océan dans le cadre de l’éducation au changement climatique ?
La journée mondiale de l’océan est l’occasion de vous présenter le potentiel du thème de l’océan dans le cadre de l’éducation au changement climatique. En effet, océan et climat sont deux réalités totalement interconnectées : si, en tant que régulateur du climat et puits de carbone, l’océan joue un rôle crucial dans le système climatique, il paie un lourd tribut pour ces services rendus avec notamment une température, un niveau et une acidité qui augmentent, ce qui a des impacts sur la biodiversité, l’économie… et sur le climat lui-même. Par ailleurs, la mer est très présente dans notre culture, notre alimentation, notre économie et nos loisirs. Étudier l’océan est donc l'occasion d'évoquer en classe tout ou partie de ces sujets. Une thématique qui sera particulièrement incontournable si vous enseignez dans une commune littorale de France métropolitaine ou si vous faites partie de celles ou ceux qui ont la chance d’emmener leurs élèves en classe de mer.
L'équipe de l’OCE vous propose un point sur le sujet “océan et climat”, ainsi que quelques pistes de ressources et d’activités pédagogiques pour votre classe.
1. L’océan, régulateur du climat
Circulation océanique
L'océan absorbe la plupart des radiations solaires atteignant la Terre. Reçue de manière plus importante au niveau de l’équateur, la chaleur est redistribuée autour du globe via la circulation océanique, entraînée à la fois par les vents, qui génèrent des courants de surface, et par les différences de densité de l’eau, à l’origine de la circulation thermohaline. En effet, plus l’eau de mer est froide ou salée, plus elle gagne en densité et « plonge » en profondeur. Ce processus a principalement lieu dans les hautes latitudes, où la perte de chaleur dans l’atmosphère et la formation de la banquise conduisent à des variations considérables de la température et de la salinité. Cette circulation forme une boucle : dans l’Atlantique, zone où elle est la plus intense, les eaux de surface chaudes se déplacent vers le nord, traversant l’équateur, avant de refroidir et se mélanger vers le fond de l’océan, à des latitudes élevées. Retournant vers le sud en profondeur, ces eaux profondes traversent alors à nouveau l’équateur pour rejoindre l’océan Austral autour de l’Antarctique, avant de remonter à la surface, des siècles plus tard, et de rejoindre à nouveau les courants de surface de l’Atlantique. C’est ce qu’on appelle la circulation méridienne de retournement. Son intensité contribue à la régulation du climat global. Avec le réchauffement climatique, les eaux de surface deviennent plus chaudes et moins denses, de plus la fonte des calottes polaires apporte de l’eau douce aux eaux de surface aux hautes latitudes, affaiblissant ainsi cette circulation.
Stratification et désoxygénation
Dans l’océan, les masses d’eau sont disposées en différentes couches, selon leur densité, qui varie en fonction de la salinité et de la température. C’est ce qu’on appelle la stratification de l’océan. Avec le changement climatique, les eaux de surface sont de plus en plus chaudes et de moins en moins denses par rapport aux eaux profondes. Cette augmentation des contrastes de densité et de température entre eaux de surface et profondes modifie le mélange entre les couches, et perturbe les échanges de dioxygène et de nutriments.
D’ici 2090, dans tous les scénarios étudiés par le GIEC, les projections montrent un déclin du taux d’oxygénation et de nutriments dans l’océan, qui ne sera pas sans incidence pour la vie marine.
Ressources pédagogiques
- Vidéo : Le rôle régulateur de l'océan sur le climat - Sébastien Carassou
- Vidéo : La machine océanique - Sébastien Carassou
- Vidéo : La Circulation thermohaline expliquée par l'Océanographe Jean-Baptiste Sallée
Activités pour la classe
- Expérience : L'impact de la température sur les courants marins
- Comprendre l'inertie thermique
- Les courants marins régulent le climat (pour les élèves avancés)
El Niño et la circulation méridienne de retournement
Certaines années, un réchauffement anormal se produit dans le Pacifique central et oriental. Cet événement connu sous le nom d’El Niño résulte d’un échange d’énergie anormal entre l’océan et l’atmosphère et se produit assez régulièrement, à plusieurs années d’intervalle. Étant à l’origine de variations dans les régimes du vent et de la pluie, il a des conséquences majeures pour les humains et l’environnement à l’échelle mondiale. Sur les côtes du Pérou et du Chili, la pêche habituellement abondante cesse pendant El Niño puisque les nutriments, transportés par les eaux froides profondes, ne parviennent plus à la surface pour nourrir les poissons. Dans le Pacifique Ouest, les pluies habituellement intenses se déplacent plus à l’est, provoquant des sécheresses dévastatrices en Indonésie, aux Philippines et en Australie. Les moussons d’été, dont la moitié de la population mondiale est tributaire, sont perturbées, particulièrement en Chine, en Inde, en Australie, au Sahel et au Brésil. Les scientifiques estiment que les événements extrêmes El Niño pourraient se produire plus souvent au cours du XXIème siècle, en raison du réchauffement de l’océan.
Ressources pédagogiques
- Qu’est-ce que le phénomène El Niño et comment l’enseigner ?
- Vidéo : El Niño expliqué par l'Océanographe Eric Guilyardi
2. L’océan, puits de chaleur
L'océan est un important puits de chaleur. On estime qu’il absorbe plus de 90 % de la chaleur excédentaire issue du réchauffement climatique. Sans cette faculté, qui s’explique par l'inertie thermique de l’eau, nous aurions déjà largement dépassé les 1,5° de réchauffement visés par les accords de Paris.
Inertie thermique
En effet, possédant une forte résistance face aux variations thermiques, l’eau de mer est capable d’absorber une quantité importante d’énergie avant de se réchauffer et, inversement, de libérer une grande quantité d’énergie avant de se refroidir. Cette propriété contribue à atténuer les variations climatiques locales et permet d’expliquer la différence considérable entre les climats océanique et continental. Mais elle n’empêche pas les océans de se réchauffer petit à petit. Actuellement, les scientifiques estiment que le réchauffement de l’océan, et, ainsi, la chaleur absorbée, a plus que doublé depuis 1993. Sont concernées les eaux de surface comme les eaux profondes.
Activités pour la classe
- Comprendre l'inertie thermique
- L'inertie thermique de l'océan et la régulation du climat (pour les élèves avancés)
Réchauffement de l’océan
Les épisodes de chaleur extrême qui touchent la surface de l’océan, qualifiés de vagues de chaleur marines, ont doublé en fréquence et sont devenus plus longs, plus intenses et plus étendus depuis 40 ans. D’ici la fin du XXIème siècle, on s’attend à voir des canicules marines arriver de manière 20 à 50 fois plus fréquentes en fonction des scénarios.
De plus, la forte inertie thermique de l’océan ainsi que son immense masse volumique signifient également que, même si l’espèce humaine cesse demain d’émettre des gaz à effet de serre et que l'océan absorbe moins de chaleur, il faudrait des millénaires à l'océan pour se refroidir et retrouver sa température de l’ère préindustrielle.
Hausse du niveau de la mer
Comme tous les liquides, l’eau gagne en volume sous l'effet de la chaleur. Le réchauffement de l’océan entraîne donc la dilatation de l’eau, qui occupe alors un volume plus important. Combinée avec la fonte des calottes glaciaires et des glaciers, cette dilatation thermique a pour conséquence une hausse du niveau moyen global de la mer. On estime qu’il a déjà augmenté de 16 cm au cours du siècle dernier et s’est élevé à un rythme toujours plus rapide. Le taux d’augmentation pour 2006-2015, de 3,6 mm/an, est 2,5 fois plus élevé que le taux de 1901-1990. Si quelques millimètres d’augmentation par an peuvent sembler peu, ils s’accumulent au fil du temps et entraînent des inondations extrêmes plus fréquentes dans les régions côtières. Ils aggravent également les conséquences des tempêtes et de l’érosion côtière.
En raison de l’inertie thermique de l’océan, le niveau de la mer continuera à s’élever même après que la température mondiale se soit stabilisée. Une tendance qui pourrait être encore accrue par la fonte de la calotte polaire Antarctique.

Ressources pédagogiques
- Animation multimédia "L'élévation du niveau des mers"
- Vidéo : La hausse du niveau des océans expliquée par l’océanographe Angélique Melet
Activité pour la classe
3. L’océan, puits de carbone
Séquestration du carbone
L’océan est ce qu’on appelle un puits de carbone, capable de capturer le CO₂ atmosphérique grâce au couplage de deux processus, l’un physique et l’autre biologique. D’une part, le CO₂ atmosphérique se dissout naturellement dans l’océan et cette dissolution est favorisée à basse température. L’eau froide étant plus dense, elle plonge, emportant avec elle le CO₂ dissous : c’est ce qu’on appelle la pompe physique du carbone. D’autre part le phytoplancton absorbe le CO₂ par photosynthèse : c’est la pompe biologique. Grâce à ces deux processus, l’océan séquestre près de 30 % du CO₂ émis par les humains, soit environ 38 millions de T de CO₂ par jour, soit 16 fois plus que l’ensemble du sol et des végétaux terrestres, et près de 60 fois plus que l’atmosphère.
Acidification
Revers de la médaille : l’absorption du CO₂ par l’eau de mer provoque une augmentation de l’acidité de l’océan, phénomène qualifié d’acidification. Lors de sa dissolution dans l’eau de mer, le CO₂ produit de l’acide carbonique qui, à la suite de réactions chimiques, libère différents ions. Ces réactions entraînent une augmentation de la concentration en ions hydrogène, à l’origine de l’acidification, et une diminution de la concentration des ions carbonate. Or, ces derniers sont des composants clés dans la fabrication des coquilles des mollusques et des squelettes des coraux, qui sont composés de carbonate de calcium. Dans un environnement plus acide, coraux, coquillages et mollusques rencontrent des difficultés de développement. À l’échelle planétaire, le pH moyen de l’océan a diminué d’environ 0,1 unité depuis la révolution industrielle pour atteindre aujourd’hui 8,05 (plus une solution est acide, plus son pH est faible). Notons que la limite acidité / alcalinité établie à 7 s’applique difficilement à l’eau de mer puisque toute réduction du pH peut avoir un impact sur la calcification de certains organismes marins au cours de leur développement. Ainsi, une baisse de pH peut avoir des répercussions même si celui-ci n’est pas inférieur à 7.
Ressource pédagogique
Activité pour la classe


4. Océan et biodiversité
L’océan abrite une riche biodiversité concentrée dans des « niches », comme les écosystèmes coralliens. Des êtres vivants unicellulaires microscopiques et photosynthétiques appelés phytoplancton forment la base de la plupart des chaînes alimentaires marines et sont consommés par des animaux – souvent microscopiques – appelés zooplancton. À l’extrémité de ces chaînes alimentaires se trouvent les requins et les mammifères marins, tels que les phoques et les baleines. Tout changement à l’intérieur de cette chaîne a des répercussions sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. L’acidification de l’océan, sa désoxygénation, les canicules marines ou encore la pollution représentent donc, directement ou indirectement, des menaces pour l’ensemble de la biodiversité marine, d’autant que la rapidité des phénomènes ne laisse pas aux différentes espèces le temps de s’adapter.
Selon le site du ministère de la transition écologique, seules 5 % des espèces marines et côtières françaises étaient en 2022 dans un état de conservation favorable.
Activités pour la classe

5. Océan et humains
En France, l’océan joue un rôle important dans de nombreux domaines.
Une société largement tournée vers la mer
En termes d’emplois, plus d’un demi-million d’emplois sont directement liés à l’économie maritime en France. Cette économie représente 1,5 % de notre PIB.
- Le tourisme est de loin le 1er secteur d’emploi (64 % des emplois de l’économie maritime en 2019).
- La pêche, l’aquaculture et les filières qui en dépendent représentent 7 % des emplois.
- La construction navale et la réparation de bateaux représentent 6 % des emplois.
- Le transport maritime de passagers et de marchandises représente 5 % des emplois.
D’autres aspects sont à prendre en compte au niveau économique :
- La pêche constitue une ressource alimentaire essentielle
- L’océan nous fournit aussi de l’énergie
- énergie houlomotrice et marémotrice qui sont des énergies renouvelables
- mais aussi du pétrole, du gaz et des minerais contenus dans les roches du plancher océanique.
- Les zones du littoral accueillent 10 % de la population sur seulement 4 % du territoire.
En outre, il est très présent dans notre littérature et dans un certain nombre de traditions et de cultures locales (fêtes de la mer, chants marins, contes …) ou grands événements récurrents (courses nautiques, festivals ...)
Conséquences du changement climatique
Les effets du changement climatique sur l’océan aura des conséquences sur les populations du littoral et sur l’économie de ces zones : Les extrêmes de niveau de mer (inondations centennales), causées par la hausse du niveau de la mer et qui ont essentiellement lieu lors des tempêtes (rendues elles-mêmes plus intenses), vont devenir de plus en plus fréquents. De plus en plus d’habitations sont donc exposées aux risques de submersion marine. 1 résident sur 8 sera concerné, selon le ministère de la transition énergétique.
Le Cerema estime que 20 % du linéaire de côte est soumis à un phénomène d’érosion tel qu’une recomposition du territoire doit être engagée. Il a estimé qu’à l'horizon 2050, 5 200 logements et 1 400 locaux d'activité pourraient être affectés par le recul du trait de côte, représentant une valeur totale de 1,2 milliard d'euros. La raréfaction voire la disparition de certaines espèces, liées notamment à l’acidification de l’océan et aux multiplications des canicules marines, aura des répercussions sur la pêche.
Un ralentissement de l’élévation du niveau de la mer, ou de toute autre conséquence du changement climatique, offrirait de plus grandes possibilités d’adaptation, d’où la nécessité de réduire également les émissions de gaz à effet de serre.
Ressources pédagogiques
Activités pour la classe
- Pourquoi a-t-on besoin de l'océan et de la cryosphère ?
- L’activité humaine, l'océan et la cryosphère
- Rendre les plages plus résilientes au changement climatique

En conclusion, la thématique de l’océan peut donc être abordée bien au-delà des seules SVT : littérature, économie, histoire, géographie … ces disciplines peuvent être convoquées et permettent d’aborder le sujet changement climatique d’un point de vue systémique. Riche en représentation dans notre inconscient collectif, l’océan se prête particulièrement bien à des projets de sensibilisation ou d'adaptation mais aussi à des projets permettant d'éduquer à la démarche scientifique via l'observation, les mesures et l’analyse .
A consulter également
- L'océan et la cryosphère face au changement climatique (résumé pour enseignants - pdf)
- L’océan et la cryosphère face au changement climatique (manuel - pdf)
- Vidéo: Comment utiliser "Le climat entre nos mains - Océan et cryosphère" ?
- Ensemble de vidéos pédagogiques sur l’Océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique