Caroline, professeure de SVT : « les élèves veulent avoir des éléments de compréhension »
Professeure de SVT dans un collège bordelais, Caroline Yaigre est très investie dans l’enseignement du changement climatique auprès de ses élèves. Se définissant elle-même comme écoanxieuse, elle ressent le besoin d’agir. Sa devise ? Fournir “un enseignement à la hauteur” non seulement de la demande des élèves, qu’elle ressent fortement, mais aussi de la nécessité de former les citoyens de demain.
Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis professeur de SVT depuis 2005 au collège Jacques-Ellul à Bordeaux, un petit collège situé en REP. J’y ai tous les niveaux. J’ai dans un premier temps fait de la recherche en biologie cellulaire et génétique à l’Inrae (alors INRA) et c’est mon premier poste d’enseignante.
Comment as-tu connu l’OCE ?
J’étais déjà abonnée aux newsletters de la Fondation La main à la pâte, je travaillais avec leurs guides, notamment dans le cadre de « Le Climat, ma planète … et moi. J’ai découvert votre travail lorsque vous avez proposé d’envoyer aux répondants le manuel « Terre émergées et changement climatique ». Je me suis abonnée à votre newsletter, vos réseaux sociaux… Et suis devenue une grande fan !
Comment utilises-tu nos ressources ?
Comme elles sont très bien faites, c’est très simple ! Je sélectionne tout simplement les ressources et les activités en fonction des objectifs des séances.
De plus, la manière dont sont organisées les séances me parle tout particulièrement, avec beaucoup de travaux de groupe, de travail en autonomie avec des ressources à la disposition des élèves et beaucoup d’oral : cela colle totalement à mes pratiques habituelles.
Concrètement, avec les élèves de 6ème, par exemple, depuis la rentrée, on a travaillé sur les gaz à effet de serre, ainsi que sur la séquence sur la réalité du changement climatique. En 5ème, on vient de faire le plaidoyer pour la défense des écosystèmes. Chaque élève était responsable d’un écosystème. Ils ont adoré (Voir vidéo) ! Ils sont très à l’aise avec ce genre de démarche : il faut se référer à des documents et à des cartes, il y a plusieurs ateliers dans la classe sur lesquels on se déplace, et ensuite, on termine par une discussion en plénière. Quant à moi, c’était la première fois que je faisais cette activité et j’ai également beaucoup aimé, notamment l'introduction de la séquence et le visionnage du plaidoyer du cacique Raoni, un grand moment de découverte pour mes élèves.
Comment concrètement intègres-tu la problématique du climat dans tes cours ?
Cette année, pour des raisons personnelles, je me cale vraiment sur les programmes, ce qui n’est pas gênant : celui de 6eme notamment fait la part belle au changement climatique. Et je trouve qu’ils nous permettent des libertés : si je veux approfondir une notion, je peux le faire.
Les années précédentes, avec toutes mes classes, je faisais un projet écologique mené sur deux ans autour d’une thématique particulière : il y a toujours moyen de tirer un fil entre le thème traité, quel qu’il soit, et le changement climatique. Une année, j’ai eu un projet sur l’eau, et j’ai raccroché à ce thème à tout ce que j’ai pu (santé, exploitation, ressource) dans les programmes de chaque niveau. Chaque classe a ensuite réalisé une œuvre puis participé à une exposition collective en fin d'année. L’idée, c’est que ce qu’on présente aux élèves fasse sens.
Y a t-il des freins pour intégrer cet enseignement à ce niveau ?
En SVT, ce n’est clairement pas la thématique sur laquelle je rencontre le plus de freins !
Malgré tout, je constate une forme de déni. Aussi, ce que j’aime beaucoup montrer, c’est le lien avec l’actualité. Je projette donc à mes élèves régulièrement un fait d’actualité (par exemple, les récentes inondations), pour leur montrer que ça se passe “pour de vrai”, que le changement climatique a des conséquences tangibles.
Travailles-tu en interdisciplinarité avec d'autres professeurs ?
J’essaie habituellement d’impliquer les collègues d’autres disciplines.
Je travaille régulièrement avec ma collègue d’anglais : elle fait réaliser aux élèves un petit flyer sur ce qu’on pourrait faire pour changer les choses. Ainsi, l’apport de la science est réinvesti en anglais.
Il y a quelques années, j’avais un projet avec une collègue de physique, un atelier sur le CO2 dans lequel on a travaillé sur les mesures.
Cette année, avec ma collègue de français par exemple, on a emmené les élèves de 3ème à une exposition sur les arts africains. Cela a permis de faire le lien avec la dualité Nord/Sud sur le changement climatique. On a pu également les sensibiliser via la pratique artistique, avec un atelier pour faire des œuvres à partir d'objets de récupération. L’idée, c’est de leur montrer que ce qu’on apprend en sciences, et en l’occurrence le changement climatique ou le développement durable, est transversal, qu’on le retrouve dans l’art.
As-tu de projets à l’échelle de l’établissement ?
Préparant l’agrégation interne cette année, je n’ai pas de projet cette année, je me mets un peu en retrait. Mais les années précédentes, j’ai toujours animé des clubs sur la pause méridienne : zéro déchet, zéro plastique, permaculture, économie circulaire, solidaire et sociale …
Selon toi, quel impact ce genre de travail a sur tes élèves ?
Le changement climatique les inquiète, je remarque qu’ils sont en demande. Ils sont anxieux et attendent des réponses. Ils sont toujours très contents quand on parle de ça ou de la biodiversité. Ils veulent avoir des éléments de compréhension. Ce sont donc des séances faciles à mettre en place. Mais, il me semble important que cela s’accompagne de séances où on présente des solutions, et également où on parle des émotions, sinon c’est trop rude !
Par ailleurs, on travaille par ce moyen la présentation à l’oral et on travaille en groupe. Outre que c’est un gros besoin chez eux, cela me permet de savoir si l’exercice est compris et s’il a du sens pour eux. Je vois que les élèves progressent dans cette démarche et prennent de l’assurance !
Et te concernant, qu’est-ce qu’un tel projet t’apporte ?
Personnellement je suis éco-anxieuse. Moi aussi, je ressens une angoisse et des questionnements. Aussi, j’ai besoin d’agir, alors j’essaie de faire au mieux devant les élèves, avec un enseignement à la hauteur. C’est important de former les citoyens de demain, pour qu’ils comprennent le monde dans lequel ils vont évoluer. Cela me tient particulièrement à cœur. Ils sont jeunes mais ils comprennent beaucoup de choses ! Il faut leur dire les choses de façon juste d’un point de vue scientifique, mais avec tact.
Éventuellement, souhaiterais-tu aller plus loin ?
Il y a encore plein de belles choses à faire, cette thématique restera malheureusement d’actualité. Comme c’est important pour moi, je sais que personnellement, je continuerai à mettre du changement climatique dans tous mes enseignements !