Entretien avec Nathalie Jolivet : ses élèves deviennent négociateurs pour le climat
À l'approche de la 28ème Conférence des Parties (COP28) qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, les établissements scolaires sont invités à se mobiliser autour de la thématique du climat en lien avec les programmes scolaires et l’éducation au changement climatique.
L’Agence française de développement (AFD), en partenariat avec le Ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) et l’Office for Climate Education (OCE), lance un projet de simulation grandeur nature de négociations sur le climat. Pour en savoir plus sur notre kit pédagogique de simulation d'une négociation climatique, cliquez ici.
Découvrez comment cette démarche éducative prend vie dans notre entretien avec Nathalie Jolivet, enseignante en Sciences de la Vie et de la Terre au Lycée Louise Michel de Champigny-sur-Marne de l'Académie de Créteil. Avec sa classe de seconde, elle a participé à la phase de test du kit et partage ici ses impressions ainsi que celles de ses élèves.
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EST-CE QUE TU PEUX TE PRÉSENTER, NOUS PARLER DE TON PARCOURS ET DE TON EXPÉRIENCE EN MATIÈRE D’ÉDUCATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
Je m'appelle Nathalie Jolivet, je suis professeure de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) au Lycée Louise Michel de Champigny-sur-Marne. C'est un métier dans lequel je trouve beaucoup de sources d’épanouissement, notamment quand il s'agit d'aiguiser la conscience citoyenne de mes élèves à travers des problématiques telles que le changement climatique ou le respect de l'environnement et de la biodiversité.
“Cette année, j'ai eu l'opportunité de tester le kit de simulation de COP créé par l’AFD et l’OCE.
- POURQUOI AS-TU DÉCIDÉ DE PARTICIPER À LA PHASE DE TEST DE CE KIT ?
Parce que j’ai perçu en cela une belle opportunité : dès qu'on fait des projets en classe c'est si enrichissant et merveilleux, les élèves n’ont pas l'impression de travailler. Ils me disaient tout au long du projet : « C'était génial madame, on devrait faire plus souvent des choses comme ça, on n'a pas travaillé. » Alors qu'ils travaillent tellement de compétences, ils apprennent tellement de choses…
- COMMENT AS-TU INTÉGRÉ CE PROJET AU PROGRAMME SCOLAIRE ?
On venait de finir le programme de seconde concernant la biodiversité. À la fin de cette partie que j'adore, il s'agit d'évoquer le rôle des actions tropiques sur la biodiversité et bien sûr, le changement climatique a beaucoup d'impact sur la biodiversité à différentes échelles, à beaucoup d’endroits sur la planète. Il y avait donc une transition qui se présentait et j’en ai profité : “parlons donc de ce changement climatique !”
- AVANT D’UTILISER LE KIT, QUELLES ÉTAIENT TES CONNAISSANCES SUR LES COPS ?
Pas grand chose, je dois l’avouer. Autant sur le changement climatique, heureusement, j'avais quelques billes. Autant sur les COPs, je savais qu'il y avait des délégations de tous les pays qui se regroupaient et qui parlaient du climat pour tenter d'arriver à un accord, mais j'ai découvert beaucoup d’autres choses grâce à ce kit.
- QUELLE A ÉTÉ TA PREMIÈRE IMPRESSION SUR LE KIT ?
“Au tout départ, c’est un peu impressionnant, tu te rends compte que tu te lances dans un gros projet. Cependant, en regardant d’un peu plus près, j'ai trouvé que la prise en main était vraiment facilitée.
Il m’a permis de gagner beaucoup de temps dans la préparation du matériel, dans le découpage temporel. Il est vraiment bien réalisé et rend agréable la mise en œuvre de ce gros projet.
- COMMENT LES ÉLÈVES ONT-ILS RÉAGI À CETTE SIMULATION DE COP ?
Ça a été une des évolutions importantes. Au début, je sentais qu'ils n'étaient pas tous intéressés, tous impliqués.
“Certains ne voyaient même pas l'intérêt de travailler sur le changement climatique parce qu'ils n'ont pas les pieds dans l’eau et qu'ils peuvent encore s'acheter le dernier iPhone.
Et justement c'est ça qui était intéressant, à la fin il n'y en avait plus aucun qui était comme ça : ils ont vraiment tous bien compris l'enjeu de cette problématique. Et puis surtout lors de la simulation de COP, ils étaient tous dans leur rôle, ils avaient bien travaillé. C'était impressionnant.
“Je leur ai redit plusieurs fois d’ailleurs avant la fin de l'année et même le dernier jour avant de leur dire au-revoir, je leur ai répété : "Sachez que j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir à faire ce projet avec vous et que je suis très fière du travail que vous avez accompli".
- SELON TOI, COMMENT LE KIT A-T-IL CONTRIBUÉ À LA COMPRÉHENSION DE TES ÉLÈVES SUR LES ENJEUX LIÉS AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET À LA COP ?
Ce qui est intéressant, c’est qu'ils construisent leurs connaissances seul, par l'étude de documents, par l'échange avec les autres... Je pense que certains n'avaient jamais entendu parler des COPs. Donc, ça a certainement été très bénéfique pour eux, ils ont pu apprendre beaucoup de choses sur différents aspects du changement climatique. Ils ont aussi progressé sur l’oralité, sur l’argumentation parce qu’ils étaient obligés de trouver des arguments, de décider si oui ou non c'était intéressant. Ils ont travaillé en groupe, ont pu se pencher sur l’exploitation de documents et sur la mise en relation des informations entre elles. Ils ont travaillé beaucoup de compétences, ils n'ont pas tous progressé de la même façon, mais ils ont eu l'occasion de mobiliser autrement toutes ces compétences, sans même se rendre compte qu'ils les mobilisaient d’ailleurs. Et c'est ça qui est fabuleux.
- PENSES-TU QUE C’EST GRÂCE AU JEU DE RÔLE ?
Oui, ça rend tout plus ludique. Après, dès fois, je trouve que dans certains supports qu'on utilise, on cherche tellement le ludique qu’on en oublie parfois le cœur du sujet.
“Là, c’était ludique, et en même temps, le contenu restait riche.
- QUELS ONT ÉTÉ LES RETOURS DES ÉLÈVES SUR LA SIMULATION DE COP ?
Il me disait « Ouais, c'était trop bien, madame, faudrait faire plus souvent des choses comme ça . », « On n'a pas travaillé . ». Ils se sont quand même rendus compte ensuite qu'ils avaient appris beaucoup de choses. Leur sensibilité par rapport à tout ça n'était pas du tout la même. Il y en a certains qui, vraiment, au début, ne jouaient pas le jeu.
“Et à la fin, ils avaient conscience de l’importance du changement climatique et de la nécessité de prendre les bonnes décisions maintenant.
- EST-CE QUE TU AS UNE ANECDOTE À NOUS PARTAGER ?
Il y a quelque chose qui m'a beaucoup plu et qui m'a bien fait rire. Un de nos élèves, Constantin, jouait le rôle du GIEC, c'était un de ceux qui était le plus dans son rôle pendant la simulation. Il passait de la salle de l’atténuation à la salle de l'adaptation et il avait l'impression qu'il n'y avait pas grand monde qui l'écoutait, qui entendait ses arguments ni d'un côté ni de l’autre. Je me suis interrogée, et je me suis dit « J'espère que dans les COPs ce n’est pas comme ça et qu'on écoute un petit peu plus les experts climatiques » mais d'un côté je me disais « mais peut-être que finalement c'est pas si loin de la réalité, peut-être que malheureusement dans les COPs, les délégations étatiques défendent toutes ce qu'elles ont à défendre. »
“Peut-être que sans même le vouloir, jusqu'au bout, ils ont réussi à vraiment bien simuler une COP.
- ET TOI, QUEL EST TON RETOUR QUELQUES SEMAINES PLUS TARD ?
C'est quelque chose qui a vraiment enrichi mon année. Je suis contente. En plus, mais ça c'est peut-être parce qu'on était dans la phase de test, mais les voir crédités à plein d’endroits, pour moi c'est vraiment une fierté, je suis vraiment trop heureuse pour eux !
“C'est quelque chose qui me restera de cette année scolaire, un peu différent du travail de prof qui est déjà très chargé et qui apporte déjà beaucoup de belles choses. Mais là le changement climatique, c'est quelque chose de tellement important, qui va tous nous concerner d'une façon ou d'une autre, qui nous concerne déjà d'une façon ou d'une autre, pouvoir faire un aussi gros projet là dessus et que mes élèves jouent un rôle aussi important pour la finalisation de ce kit. Oui, je suis très fière d’eux.
Et puis la dernière chose vraiment, c'est ce que je retiens, c'est la façon dont ils ont travaillé en qualité, en quantité pour finir en disant « C'était trop bien Madame, on a fait plein de super choses sans travailler. » Alors que du premier instant au dernier ils ont énormément travaillé. En fait, quand ils ne sont pas assis à leur table sans pouvoir bouger avec un stylo dans la main, ils font plein de belles choses et pour eux c'est moins difficile.
- EST-CE QUE TU RECOMMANDERAIS CE KIT À D’AUTRES ENSEIGNANT.ES ?
Totalement, oui. C'est très enrichissant pour les élèves et aussi pour l’enseignant.
“C'est vraiment un beau projet si on a envie de se lancer dans quelque chose d'un peu plus ambitieux.
- QUELS CONSEILS DONNERAIS-TU À D’AUTRES ENSEIGNANTS QUI AIMERAIENT IMPLÉMENTER L’ÉDUCATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
Réaliser des projets comme celui-ci, qui sortent un peu du cadre scolaire, c'est quelque chose qui motive bien les élèves en général. Et puis, je pense que c'est très important de rendre les élèves acteurs : c'est une bonne façon de les impliquer et d'éveiller leur conscience.