L’enseignement du français comme levier de l’éducation au changement climatique

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Professeur de français, Julien Calas a mené avec sa classe de 4ème un projet interdisciplinaire d’éducation au changement climatique. En s’appuyant sur l’Office for Climate Education (OCE), et en particulier sur ses ressources, il a su mobiliser ses collègues de plusieurs disciplines (Histoire-géographie, SVT, Physique-Chimie, Technologie, EPS, Anglais, Espagnol et EMI). Un scénario pédagogique très complet leur a permis de travailler avec les élèves des connaissances et compétences à la fois disciplinaires et transversales. 

Découvrez la démarche de Julien Calas au cours d’un entretien avec cet enseignant.

Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ? 

Je suis professeur de français depuis 2005, et depuis 2017, j'enseigne au collège Albert Schweitzer de Créteil, un collège situé en REP, en banlieue parisienne. Je suis par ailleurs référent EDD et, depuis peu, formateur EDD pour l’académie de Créteil. 

Je fais également partie d’un groupe académique intitulé « Les jardins de Créteil / La classe dehors », qui est initialement un groupe de réflexion autour de la mise en place de jardins pédagogiques et de coins nature pour les établissements, mais qui est en train de se recentrer sur la mise en place de “classes dehors”. 

Comment as-tu connu l’OCE puis interagi avec lui ? 

Il y a 2 ans, j’ai participé au dispositif « Piaf de ma rue », sur la biodiversité, avec La Fondation La main à la pâte. Parmi les autres appels à projet du site de La Main à la pâte , celui de l’OCE m’a interpellé et j’y ai répondu. Ce sont des types de protocoles que je trouve intéressants parce qu’ils permettent à la fois de tester des séances clés en main mais aussi de faire évoluer son propre projet en échangeant avec les médiateurs.

Dans le cadre de cet appel à projet de l’OCE, ma classe de 4e a participé à une étude sur la perception du changement climatique par les élèves. Ce projet de recherche consiste à évaluer l’impact des projets pédagogiques concernant les enjeux climatiques sur les représentations, la compréhension et la motivation des élèves. Il est mené par des chercheurs de l’OCE et de l’Institut national de la santé et de la recherche en médecine (Inserm).

Pourquoi intégrer le changement climatique dans ses enseignements quand on est professeur de français ?

C’est une chose que je trouve importante et il me semble qu’on n’en fait pas assez sur le sujet, malgré un verdissement des programmes en 2020, qui est à mon sens un peu timide. 

Ce sujet me touche d’abord personnellement mais aussi en tant qu’enseignant. Les élèves en parlent et on voit bien qu’ils ne sont pas tous d’accord. Ils ont des “opinions” sur le sujet. Ce qui m’importe justement, c’est de leur montrer que le réchauffement climatique n’est pas juste mon opinion, ni une opinion, mais que c’est un fait, sur lequel il y a un consensus scientifique. L’objectif est qu’ils prennent conscience de ce qui se passe, mais sans sombrer dans le catastrophisme ni l’immobilisme.

 

 

activité "réalité du changement climatique"
Activité sur la réalité du changement climatique © Julien Calas

Comment faire concrètement ? 

Ce thème permet de travailler des compétences, de l’écrit comme de l’oral. Par exemple, nous avons mené un atelier d’écriture sur l’avènement d’un Créteil « bas-carbone » pour rédiger en groupe des récits de futurs désirables réalistes ; nous avons aussi conçu une affiche pour sensibiliser aux îlots de chaleur), nous avons travaillé l’oral avec la réalisation de podcasts. Enfin, nous avons étudié des romans ou nouvelles qui se rapportent à cette thématique. Pour ma part, je leur ai fait étudier un roman sur les migrations climatiques, Frères d’exil de Kochka, et une nouvelle dystopique, Chute de la Défense de Catherine Dufour, issue du recueil Nos Futurs, Imaginer les possibles du changement climatique.

Parmi les ressources de l’OCE, il y a deux fiches activités qui peuvent particulièrement intéresser les enseignants de français :

En ce qui concerne l’ancrage dans le programme, pour la 4ème, j’ai pu utiliser la thématique autour des villes  (“La ville, lieu de tous les possibles”). Cela m’a permis d’aborder notamment le thème des îlots de chaleur urbains, sur lequel ils ont étudié un corpus d’articles de presse et documentaires.

Activité sur les émotions
travail sur les récits
© Julien Calas

 

Tu as travaillé en forte interdisciplinarité, comment faire pour collaborer avec les professeurs des autres disciplines ? Quels sont les obstacles et comment les surmonter ? 

Il faut d’abord que les autres enseignants reconnaissent l’importance du changement climatique. J’observe leurs réactions quand j’aborde le sujet, ou bien je repère ceux qui font déjà des choses dans leur coin. 

Ensuite, mon principal argument, c’est que ça ne leur fait pas plus de travail : grâce à l’OCE, ils ont déjà des ressources clés en mains, c’est intégré à leur programme, et - c’est bien moins effrayant ainsi - je leur précise bien qu’il n’y aura pas de réunions pour ce projet ! Je leur envoie en début d’année quelque chose de déjà construit, en leur expliquant que ça n’est qu’une proposition, totalement modulable selon leurs propres envies d’intégrer telle ou telle activité.

Si je fais un petit bilan, certains collègues se sont saisis pour la première fois dans leur discipline de la question du changement climatique, d’autres se sont sentis plus rassurés de le faire en interdisciplinarité.

séquences sur les conséquences du changement climatiques dans les pays anglophones et hispanophones.
© Julien Calas

Selon toi, quel impact cela a-t-il eu sur tes élèves ? 

Outre des compétences disciplinaires, cela leur fait également travailler des compétences interdisciplinaires, notamment celles listées dans le référentiel de compétences au développement durable : l’éducation à la complexité et à la citoyenneté éclairée, ainsi que le développement de l'esprit critique. 

J’ai mesuré les effets suivants sur mes élèves (via deux sondages, les productions, mes observations et quelques échanges) :

  • Une meilleure compréhension des mécanismes du changement climatique et de ses impacts, notamment après être revenus dessus dans plusieurs disciplines, à plusieurs moments de l’année, sous des formes différentes et un angle singulier ;
  • Les élèves se sentent plus concernés par le changement climatique et sont aussi moins inquiets à la fin du projet, notamment grâce au passage à l’action (en l'occurrence, nous avons planté des arbres) et à la projection dans un futur désirable. Il me semble que c’est très important en effet d’être dans le concret (ce qui n’est pas toujours facile, mais est faisable !).
Préparer un plan de plantation d'arbre dans le collège
Préparer un plan de plantation d'arbre dans le collège © Julien Calas

Et te concernant, qu’est-ce qu’un tel projet t’apporte ? 

Cela me permet d’avoir un autre regard sur ma discipline, et c’est stimulant de faire en sorte qu’elle réussisse à déclencher ce type de projet, et qu’ainsi le français soit un levier de l’éducation au changement climatique. 

Ce projet permet de mettre le doigt sur le fait qu’il ne suffit pas de donner des preuves scientifiques et de convaincre pour mettre en action, il est crucial de travailler avec les élèves également sur les nouveaux récits. À l’heure actuelle, nous vivons avec des récits qui ne nous permettent pas de “changer de logiciel”. Les élèves ont vite fait de ressentir comme une punition la nécessité de vivre plus sobrement ! Par la fiction, on peut s’ouvrir à des choses nouvelles.

exemple de rédaction
Exemple de récit rédigé par un groupe d'élève dans le cadre du projet "Créteil se réveille ! "

Pourquoi être référent EDD ? 

Cette mission, que je partage avec une collègue, me donne la légitimité pour mobiliser d’autres enseignants mais aussi le personnel de l’établissement, comme le chef de la cuisine par exemple, pour mettre en place des projets. Je peux ainsi construire des projets interdisciplinaires dans le cadre des cours, ce que je trouve personnellement plus impactant. 

Cela me permet également d’être dans les instances décisionnaires, comme le conseil d’administration ou le Comité d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement (CESCE), et de pouvoir approcher plus facilement des partenaires extérieur, comme le département, ce qui donne parfois un bon coup de pouce dans la mise en place des projets. 

 

En savoir plus sur le projet de Julien Calas

 

Date de publication
Author
Office for Climate Education OCE